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UN ESPACE DE TISSAGE, D'UN BRIN DE PENSEE à l'AUTRE
 
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 Littérature

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MessageSujet: Littérature   Littérature EmptyLun 23 Fév - 11:37

Lettre de Gérard De Nerval à son père:

[Donaüwerth] Ce 20 juin 1854.

Mon cher papa,
Je t'écris de Donaüwerth où je me suis arrêté venant de Munich et d'Augsbourg. Je ne sais trop si j'irai à Ratisbonne, parce qu'il y a neuf heures de bateau à vapeur sur le Danube et le fleuve est encore si peu de chose ici que cela ne doit pas être très pittoresque. J'ai pourtant une bonne lettre de recommandation pour Ratisbonne, l'hospitalité si je veux, mais je la trouverai aussi par l'autre chemin celui de Leipsick et après tout, je ne profiterai peut-être ni de l'une ni de l'autre.
Le principal, c'est que le voyage me fait grand bien et que je me sens remis tout à fait. Tu m'as vu malade, mais non pas mort et tu n'es ni l'un ni l'autre, Dieu merci ! Comptons donc que nous aurons encore de bonnes années à vivre ensemble. Je ne tends qu'à un but et à une consolation, c'est que tu me voie [sic] un jour heureux, comme je crois mériter de l'être et que tu me connaisses bon, comme je sens que je le suis. Ne crois pas quand je suis loin que je ne sois pas près de toi cependant - j'y serais près encore, fût-ce dans le tombeau. Si je mourais avant toi, j'aurais, au dernier moment, la pensée que peut-être tu ne m'as jamais bien connu. Mais cela viendra.
Pardon de ces idées noires, je viens de visiter l'église assez lugubre de cette ville, mais j'en ai emporté aussi des idées douces : c'est que, me croyant guéri, je me sens meilleur. Voilà ce qui me fait t'écrire tout de suite.
Le temps se brouille un peu, je crois bien que je vais finir par reprendre le chemin de fer pour Nuremberg, où je m'arrêterai deux ou trois jours, parce qu'il y a beaucoup de curiosités à voir. J'ai encore beaucoup d'argent et l'on m'en enverra si j'en manque. Il faut encore noter que si je voulais aller à Weimar je passerais là des mois sans avoir à m'inquiéter de rien - que de toi et de Paris, ce qui m'empêche de songer trop à cette oasis. Quel beau pays que l'Allemagne. Voilà où il faudrait vivre, si nous n'avions à songer qu'à nous deux. Je te dirais allons-y et restons-y ! Mais la vieille France a aussi son charme et il ne faut pas trop l'abandonner.
Je suis sûr qu'à Paris on me croit en Orient. J'ai eu, un instant, l'idée d'y aller, en franchissant le Rhin. Je le pouvais et on ne m'aurait pas laissé dans l'embarras, quoique je n'eusse pas emporté tout l'argent nécessaire. Mes amis avaient abusé de leur crédit pour moi et je pouvais me pavaner à dix francs par jour sur les bateaux de l'État. Mais je n'aime pas ces promenades trop faciles dont on médit ensuite, et quoique je croie mériter comme bien d'autres ce que l'on voulait faire pour moi, je me sens plus libre en agissant à ma guise.
N'as-tu pas été aussi comme cela ? Plus j'avance en âge, plus je sens de toi en moi. C'est ta jeunesse qui revient et dont l'exemple soutient la mienne qui passe.
J'oublie toujours une chose, en te parlant de ma situation plus heureuse et de mes ressources pour l'avenir, c'est que toi-même tu te gênes peut-être dans une idée qui me serait relative. Mais ne crois-tu pas que si je me sentais encore plus assuré je voudrais t'aider au besoin, et surtout penses-tu que je voudrais un instant que tu te privasses pour moi et même que tu pusses refuser à des parents qui le mériteraient, le peu dont tu pourrais disposer. Mon devoir serait d'y songer, moi. Mais j'espère que cela viendra.
Je t'embrasse. A bientôt, j'espère.
Ton fils
Gérard
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MessageSujet: L'interview   Littérature EmptyVen 6 Mar - 12:49

_ J'ai lu les bucoliques, les Provinciales,
les Misérables, les Iluminés,
les Diaboliques, les Désenchantés,
les Indifférents...
_ Et que faut-il lire maintenant ?
_ les Emmerdants, il faut bien
lire avec son temps !


Jacques Prévert
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MessageSujet: Lis tes ratures   Littérature EmptySam 7 Mar - 13:02

Très classe !
Effectivement, peuvent parâître "emmerdants" des textes balancés comme ça, sans dire ce qu'on en a compris et aimé.
Sans doute il y aurait là une pudeur puisque de vous dire ce qui me touche ici, vous révélera de quoi je manque.
Je saluerais ce manque au passage, je lui dois, si ce n'est une écoute, tout du moins une oreille, comme on dit des musiciens.

C'est au détour de quelques textes et rencontres, que me submerge à vif la nostalgie de quelque chose que je n'ai jamais eu...un père.
Non pas que je sois orpheline de père, ça aurait été peut-être plus facile, mais orpheline d'un lien.

Comment peut-on être nostalgique de quelque chose que nous avons jamais eu ? C'est pourtant le seul mot qui me convient.
Sans doute tient-il à cette capacité à espérer, sauvagement, intuitivement ce qu'un lien pourrait-être.
On le rêve alors...
Tant qu'on le rêve, on y tient, au moins un peu. Mais vient le jour où on n'y tient plus.
Ce que me donne ce texte, c'est l'idée qu'un fils soigneux de rassurer son père sur son état de bonheur, suppose qu'un père puisse le souhaiter pour son fils. ...et ça, ça me bouleverse, toujours et encore.
Cela n'a pourtant pas empêché le petit Gérard de finir très mal, me direz-vous !
Mais ça ! Entre le "trop de lien" et le "pas de lien", on navigue toujours à la surface de l'abyssale profondeur, que la mer soit salée ou morte.

Bien à vous tous


Dernière édition par Admin le Sam 7 Mar - 19:10, édité 2 fois
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Ausuddenullepart

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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptySam 7 Mar - 14:10

Je vous rejoins ici Isabelle sur ce lien ou ces liens qui font défaut bien des années après, me souvenant d'un père qui rentrait trop harassé de ses 10 ou 12 heures de manutention quotidienne, combien je le maudissais de n'avoir jamais le temps du lien, ses paroles incisives et intérieures qui faisait état des "crocs de l'amour" : avoir les crocs, en avoir faim et composer avec cela toute sa vie.
Alors qu'il est salutaire de trouver un autre lien à travers quelques mots comme vous le fîtes...
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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptySam 7 Mar - 14:17

Au su de nul père, il nous arrive de crier haut et fort notre existence en colère.
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caro

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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptyDim 8 Mar - 11:48

Je suis très touchée parce que vous dites ici, de ce lien ou pas au père.
Père violent et qui frappe avec les mots comme avec les mains, un lien pour moi cassé.
Cette lettre de Gérard De Nerval est belle, ne serait ce qu'écrire : "Mon cher papa"...
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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptyDim 8 Mar - 13:38

N'est-ce-pas ?

Littérature Hberli10
Lettre de Berlioz à son père:
16 Mai 1828

Mon cher papa



Je suis dans le moment critique ; le jour de mon concert approche.
Après d’innombrables difficultés que j’ai vaincues successivement, j’ai tout lieu d’espérer que je m’en tirerai à mon honneur.
Mr De Larochefoucault m’a accordé la grande Salle de l’école Royale de Musique, la plus commode et la plus avantageuse de Paris ; elle est aussi la plus économique. Quelques démarches ont été faites auprès de lui par le directeur de l’école, pour l’empêcher de me l’accorder. Heureusement, je l’ai su à temps et d’après une lettre que j’ai écrite à Mr De Larochefoucault, il a sur le champ envoyé l’ordre de mettre la Salle à ma disposition.
Mr Chenevau, député de l’Isère et Mr Le comte Chabrillant, parent de Mr De Larochefoucault m’ont beaucoup servi dans cette négociation. A présent que le directeur de l’école voit que Mr De Larochefoucault me protège, il me fait très bon visage, il vient même ce matin de mettre à ma disposition, tous les élèves des classes de chant. Je me suis arrangé ce matin avec le fermier du droit des indigents qui prélève le quart de la recette des concerto publics. Prenant en considération les frais que je suis obligé de faire pour les chœurs de l’opéra dont je ne puis me passer, il me laisse mes recettes complètes en lui payant 150 francs la veille du concert. Si vous pouvez m’aider là-dedans je vous prie de le faire, car mes finances sont extrêmement basses et je ne pourrai absolument pas lui payer cette somme le samedi 24 mai si vous ne m’envoyez pas de l’argent avant cette époque. Je rougis de vous en demander si souvent, mais j’y suis forcé par ma position.Je n’ai pas un instant à perdre pour mettre ma lettre à la poste, d’ailleurs j’ai encore à courir toute la journée.
Adieu mon cher papa, dans quinze jours, j’espère que vous recevrez de moi de bonnes nouvelles.
J’embrasse maman et mes sœurs et frère.
Votre affectionné fils
H. Berlioz

Paris, ce 16 mai Vendredi
Rue de richelieu n° 96
Mon concert aura lieu dimanche 25 mai, jour de la pentecôte.


Dernière édition par Admin le Mer 27 Mai - 11:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptyJeu 21 Mai - 11:05

Ni cris, ni insultes, ni lamentations sur soi-même: cette lettre de Kafka à son père (ici un extrait)- qu'il ne lui adressera jamais - est le plaidoyer d'un enfant réclamant le simple droit d'exister.

La quête d'amour de l'enfant est mis ici à l'épreuve du narcissisme du père.
"Ultime instance"disait-il de cet homme "gigantesque" qui n'avait de grand que de rendre son fils petit et nul.
Crimes au quotidien contre l'humanité de l'être.
Je découvre aujourd"hui cette lettre et relis autrement ce poème écrit sur la pluie que je vous livre à la suite de sa lettre.
Suis toujours impressionnée de voir comment après des vies massacrées, se fraie malgré tout le désir, ici dans ses mots, son talent d'écriture.

"De mes premières années, je ne me rappelle qu'un incident. Peut-être t'en souvient-il aussi. Une nuit, je ne cessai de pleurnicher en réclamant de l'eau, non pas assurément parce que j'avais soif, mais en partie pour vous irriter, en partie pour me distraire. De violentes menaces répétées plusieurs fois étant restées sans effet, tu me sortis du lit, me portas sur la pawlatsche (1) et m'y laissas un moment seul en chemise, debout devant la porte fermée.

Je ne prétends pas que ce fût une erreur. Peut-être t'était-il impossible alors d'assurer le repos de tes nuits par un autre moyen; je veux simplement, en le rappelant, caractériser tes méthodes d'éducation et leur effet sur moi. Il est probable que cela a suffi à me rendre obéissant par la suite, mais intérieurement, cela m'a causé un préjudice. Conformément à ma nature, je n'ai jamais pu établir de relation exacte entre le fait, tout naturel pour moi, de demander de l'eau sans raison et celui, particulièrement terrible, d'être porté dehors. Bien des années après, je souffrais encore à la pensée douloureuse que cet homme gigantesque, mon père, l'ultime instance, pouvait presque sans motif me sortir du lit la nuit pour me porter sur la pawlatsche, prouvant par là à quel point j'étais nul à ses yeux.

A cette époque, ce n'était qu'un modeste début, mais ce sentiment de nullité qui s'empare si souvent de moi (sentiment qui peut être aussi noble et fécond sous d'autres rapports, il est vrai) tient pour beaucoup à ton influence. Il m'aurait fallu un peu d'encouragement, un peu de gentillesse, j'aurais eu besoin qu'on dégageât un peu mon chemin, au lieu de quoi tu me le bouches, dans l'intention louable, certes, de m'en faire prendre un autre. Mais à cet égard, je n'étais bon à rien.

Tu m'encourageais, par exemple, quand je marchais au pas et saluais bien, mais je n'étais pas un futur soldat; ou bien tu m'encourageais quand je parvenais à manger copieusement ou même à boire de la bière, quand je répétais des chansons que je ne comprenais pas ou rabâchais tes phrases favorites, mais rien de tout cela n'appartenait à mon avenir. Et il est significatif qu'aujourd'hui encore, tu ne m'encourages que dans les choses qui te touchent personnellement, quand ton sentiment de ta valeur est en cause, soit que je le blesse (par exemple, par mon projet de mariage), soit qu'il se trouve blessé à travers moi (par exemple quand Pepa m'insulte). C'est alors que tu m'encourages, que tu me rappelles ma valeur et les partis auxquels je serais en droit de prétendre, que tu condamnes entièrement Pepa. Mais sans parler du fait que mon âge actuel me rend déjà presque inaccessible à l'encouragement, à quoi pourrait-il me servir s'il n'apparaît que là où il ne s'agit pas de moi en premier lieu."


Dernière édition par Admin le Jeu 21 Mai - 19:37, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Littérature   Littérature EmptyJeu 21 Mai - 11:06

Littérature Lenuagedepluiemalloypp5

"Le nuage de pluie". Marie Alloy

"Violente averse.
Mets-toi face à la pluie,
laisse ses rayons de fer te pénétrer,
glisse dans l’eau qui veut t’emporter,
mais ne bouge pas,
reste droit et attends le soleil qui va couler à flot,
subitement et sans fin."


Franz Kafka, Journal
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