Différences

J'ai envie de répondre ici, parce que d'une certaine manière je vis cette différence et l'exclusion qu'elle engendre parfois.
Cela n'est sans doute pas la différence à laquelle vous pensiez en ouvrant ce fil et pourtant...

Je suis handicapée de naissance et orpheline depuis l'âge de deux ans et demi. De quoi être différente aux yeux des autres. Pourtant, gamine, je ne le percevais pas ainsi. Je croyais innocemment que chacun était différent, avait quelque chose de particulier. Mais c'était sans compter sur le regard des adultes qui cataloguent souvent les autres. J'étais ainsi étiquetée "pauvre petite orpheline handicapée", ce que je ne comprenais pas toute petite (je ne me sentais pas vraiment handicapée et j'avais mes grand'parents qui m'élevaient) étiquette que j'ai toujours combattu par la suite.
Je crois que ce sont les parents qui donnent parfois aux enfants la peur de l'autre. Combien de parents empêchaient leurs enfants de me poser bien innocemment des questions sur cela. Je crois que je leur renvoyais ce qu'ils auraient pu être, ce qu'ils seront peut-être (s'ils ont un accident ou une maladie invalidante), ou ce qu'ils seront plus tard lorsque la vieillesse s'emparera d'eux. Je devais aussi leur faire peur rétrospectivement, se disant que leur enfant était en bonne santé et valide. Enfin, on n'aime pas le malheur et ils me jugeaient malheureuse de par mon histoire.
Les enfants sont spontanément curieux et sans préjugés autres que ce que leur parents leur transmettent. Je ne jette pas la pierre, j'en ai sans doute aussi, et si j'avais des enfants je leur aurais sans doute transmis cela aussi.
Parfois enfant on peut aussi avoir peur de l'autre. Je me souviens, toute petite, quand j'ai vu le premier homme noir de ma petite vie. J'étais terrifiée ! Il était pourtant gentil, aimable... Ma grand'mère m'a alors expliqué la différence qui n'en étais pas une pour elle.

Je crois aussi que l'on a peur de la différence, lorsque l'on craint que celle-ci nous soit imposée. C'est un peu ce qui se passe aujourd'hui avec les musulmans, ayant sans doute encore en mémoire les sombres années où la chrétienté tentait de s'imposer partout.
On est attaché à son mode de vie, de pensée, de fonctionnement, de croyances et l'on perçoit l'autre comme étant dangereux parce qu'il remet en cause tout cela. Alors que lorsque rien est imposé, on peut faire sien ce qui nous plait et nous parle chez cet autre...

Papillon...merci, merci à vous pour ces mots qui nous laissent entendre tant de vérités, les vôtres.

Je connais un petit bout de bonne femme qui saurait bien mesurer avec vous la profondeur des souffrances que peuvent induire des différences portées par nos corps.
Les étapes que cette femme a vécu pour enfin aimer son corps, je les ai partagées avec elle depuis ces dernières trente années, notre amitié est invincible et je l'aime.
Elle vit maintenant loin, au Chili, elle me souffle pourtant aujourd'hui des mots pour vous que j'entends comme si elle était à mes côtés.
"Aime, aime ...Papillon, chacune des cellules de ton corps, parle leur, laisse les t'aimer, et si tu ne peux danser, laisse ton cœur le faire, ressens comme il bondit, écoute sa joie.
...les autres te regardent oui...leurs yeux fermés ou ouverts, ils apprendront de toi, comment tout tordu qu'il est, le corps reste le lieu sacré de la vie, la tienne, la notre à tous.

Et puis, elle vous ferait rire avec ses rrrrrrrr qui roulent, sa voix qui monte aux aiguës avec ses "Aïe Aïe Aïe" quand elle se réjouit de votre arrivée, et quand elle vous raconte les catastrophes en chaîne, survenues lors de la construction de sa maison qu'elle a mené à la baguette dans un pays de machistes : "recevoir des ordres d'une femme... handicapée en plus !"
Elle vous prendrait dans ses bras, vous étreindrait pour vous dire combien elle vous aime, combien elle tient à vous.
Devant elle, devant cette capacité à aimer, je me sens vraiment très petite, croyez-moi.
J'ai appris d'elle comme de personne.

Je vous serre aussi très fort dans mes bras, Papillon !

Bien à vous.

Merci de vos deux interventions ci-dessus, papillon et Isa ; elle réchauffent mon cœur.
Francis.

Bonjour isabelle, Francis, et à chacun.

Merci Isabelle.

J'ai lu votre réponse hier soir et j'ai reçu votre accolade avec beaucoup de plaisir, j'en avais besoin.
Votre amie et votre expérience avec elle me redonnent courage et confiance. Peut-être arriverais-je moi aussi à être moins sensible au regard des autres et ainsi enfin m'accepter. Parce que le handicap en lui même est accepté depuis longtemps, même s'il est vrai que parfois je peux souffrir de ne pouvoir faire certaines choses. Par contre j'ai toujours beaucoup de mal avec le regard que l'on porte sur moi. Cela dit je commence aussi à l'assumer puisque j'en parle un peu plus volontier sur le net, alors qu'il me serait si facile de le taire. Cela fait partie de moi, de ce qui me constitue.

Les autres m'apportent bien plus dans leurs différences avec moi que dans nos points communs. Différence de culture, de goûts, de mode de vie, de points de vue... et j'espère modestement leur apporter aussi parfois.

Bien à vous

Papillon (et je m'appelle aussi isabelle )

Bonjour Papillon-Isabelle,

Je ne sais pas pour vous mais nos avatars respectifs ne sont plus visibles, étrange !!
Votre beau Papillon n'apparait plus !
J'ai tenté de résoudre mais en vain.
En tous les cas, il disparait quand votre prénom nous arrive, ah la vie, un cadeau parfois vraiment !

Je suis sensible à :
"Les autres m'apportent bien plus dans leurs différences avec moi que dans nos points communs. "
Je comprends, oui, mais n'est-ce pas aussi d'apprécier à partir d'une expérience commune, comme être en analyse, être une femme, être en deuil..etc...que nous pouvons apprécier d'autant mieux comment les autres s'en débrouillent et nous permet d'envisager l'aventure du partage... passionnante parfois ?
C'est de l'énergie transmissible.
Les lieux d'où l'on parle, nos déserts intérieurs, nos volcans pulsionnels, nos états d'âme, parlent sans doute parce que "ça" dit bien quelque chose à...l'autre, rejoint son lieu à lui.

et puis...

"et j'espère modestement leur apporter aussi parfois."

C'est fait ! Ici tout de suite. Que vous ayez accepter mon accolade avec plaisir est ma joie de ce matin. Votre confiance, votre capacité à parler vrai, dans cette simplicité juste, me fait envie. Oui, c'est en fait assez compliqué la simplicité, la justesse, ça me bouleverse toujours. Merci Papillon-Isabelle.
Excellente journée à vous.

Excellente journée à vous tous !

Admin a écrit:

Je suis sensible à :
"Les autres m'apportent bien plus dans leurs différences avec moi que dans nos points communs. "
Je comprends, oui, mais n'est-ce pas aussi d'apprécier à partir d'une expérience commune, comme être en analyse, être une femme, être en deuil..etc...que nous pouvons apprécier d'autant mieux comment les autres s'en débrouillent et nous permet d'envisager l'aventure du partage... passionnante parfois ?
C'est de l'énergie transmissible.

L'expérience commune aide certainement lorsque l'on est dans la difficulté, parce qu'on se sent compris et que d'autres ayant vécu sensiblement la même chose, ils peuvent être un exemple, nous donner des conseils, nous rasséréner. Pourtant tout ceci n'est-il pas parfois illusoire ? Chaque expérience et chaque personne étant différente, on s'en débrouille souvent différemment, avec un ressenti différent.
Parfois aussi l'autre qui est étranger au problème et qui a un tout autre mode de pensée ou de fonctionnement peut nous apporter une idée, un autre point de vue. On porte parfois les oeillères de notre propre groupe. Alors s'en rapprocher dans l'épreuve est bénéfique pour y trouver soutien et réconfort, mais s'en éloigner peut l'être tout autant pour s'en sortir autrement.

admin a écrit:

Les lieux d'où l'on parle, nos déserts intérieurs, nos volcans pulsionnels, nos états d'âme, parlent sans doute parce que "ça" dit bien quelque chose à...l'autre, rejoint son lieu à lui.

Oui ça dit bien quelque chose. Un peu comme une histoire qu'on aurait lue il y a longtemps et qui nous laisse un souvenir brumeux ... une sorte de déjà vu, mais sans vraiment se souvenir des détails... J'ai déjà vécu ça mais pas vraiment, pas tout à fait.

Bonne et douce nuit

ps:Je ne vois plus non plus d'avatars.

Bonsoir à tous,

Oui c'est sans doute ce qu'on appelle... "être en mouvement" !

Un exemple, je ne sais pas ...Je me contenterais de l'énergie.

Bonne nuit aussi à vous !

A bientôt

Bonjour,

je vous lis sur ce sujet, et en réfléchissant, un peu, aux questions soulevées dans vos derniers messages, c'est le mot de ressemblances qui me vient en contrepoint (non rigoureux), ou en complément de différences.

à suivre, quelques bribes d'associations.

... Si les contrastes aident à mieux discerner, ils peuvent aussi nous paraître violents.

... La saisie de ces deux mots (différence + ressemblance) dans un moteur de recherche m'a menée à la page d'un... photographe ! Je vous la mets en lien ici

... Il y a une semaine et quelque, souhaitant exprimer combien la plupart du temps il est difficile de communiquer* à l'autre une douleur éprouvée, psychique ou physique, je me disais que souvent on chercherait à s'appuyer sur l'expérience que l'autre, celui ou celle à qui on s'adresse, en cherchant "quelque chose" qui pourrait ressembler à ce que l'on ressent dans ce qu'il ou elle a vécu... en quête d'accueil ? ... de respect de cette douleur, ou de mots pour expulser cette douleur.
En même temps, il me semble que tout affectés que nous serions par cette douleur à ce moment-là, nous ne trouverions qu'une mince consolation à ce que l'autre nous fasse part de l'expérience qu'il en a ou en a eu...

Ce qui me fait penser que les différences et les similitudes, d'expériences, de ressentis, d'apparences, ..., ne nous apportent, ne nous édifient dans notre singularité et ne sont partageables qu'à une certaine distance de leur actualité-vécu-éprouvé, pour revenir sur cette appréciation possible qu'évoquait Isabelle

Citation :

n'est-ce pas à partir d'une expérience commune, comme être en analyse, être une femme, être en deuil..etc...que nous pouvons apprécier d'autant mieux comment les autres s'en débrouillent et nous permet d'envisager l'aventure du partage...

.

Tout un travail de re-présentation, de symbolisation ?

*[... mouiii, souhait d'exprimer, difficile de communiquer !)

Bel après-midi à vous.

Bonsoir à tous,

Oui Irisée, la violence des contrastes.... en effet.

Je crois que la violence serait de donner en "exemple", un "modèle" de réussite là où l'autre échoue précisément.
Je ne crois pas que le ton donné, ici, était de cette nature et si j'ai induit quelque chose qui y ressemble, j'ai raté ma cible.

"Ce qui me fait penser que les différences et les similitudes, d'expériences, de ressentis, d'apparences, ..., ne nous apportent, ne nous édifient dans notre singularité et ne sont partageables qu'à une certaine distance de leur actualité-vécu-éprouvé, "

C'est vrai, il n'y a qu'à voir comment l' Histoire se répète, comment de générations en générations l'expérience de l'homme est si peu transmissible qu'elle ne nous met pas à l'abri de répéter à l'infini des erreurs tragiques...et aussi, heureusement, des bonheurs uniques.

Il n'y a finalement que dans le lien, solidaire, amoureux, amical, fraternel, humain ou transférentiel, que quelque chose se "passe"... une chaleur diffuse, sans doute quelque chose d'informel, difficilement formulable, qui serait comme un: "vis ce que tu as à vivre, vis le, traverse le, ...un chemin sans caillou ça n'existe pas, on galère tous, toi ici, moi là, nos gloires ne sont que ce que chacun a pu sauver de soi ".

La distance, celle parcourue, dont on a du mal à rendre compte souvent, est le terreau de nos partages, elle fait écho, plus ou moins chez l'autre.
Mais sans doute a-t-on eu besoin de sentir l'autre ou les autres, proches, à proximité, pour parcourir cette distance.

La distance, la "mise à distance", celle d'un regard fermé, jugeant, rejetant, nous désempare, nous blesse, nous recroqueville dans une solitude immonde.
Il en faut, là aussi, des cœurs ouverts à cette chaleur diffuse pour réchauffer la moelle.
Celui qui comprend quelque chose d' une souffrance parce qu'il l'a rencontrée dans ses os, sa peau, son âme, même si elle est différente, causée par d'autres facteurs, accueille sans doute la souffrance des autres avec moins de peur et peut devenir source de rencontre possible.

Un analyste n'a pas vécu toutes les souffrances psychiques qui lui sont confiées sur le divan, ouf !... mais ce qui permet le travail, c'est aussi sa souffrance, la sienne, celle qu'il connait, à l' avoir côtoyée, déterrée, nommée, parlée à quelqu'un, elle le fait souffrir encore, parfois même se réveille à entendre celle de ses patients, il n'est pas le pape du bonheur, s'il l'était il ne comprendrait rien.
Il n'en fait pas part, mais sa guidance s'étaye, en grande partie, sur cette "distance" qu'il a parcouru lui-même.

Je ne crois pas à l'ontologie de la souffrance, mais il semblerait qu'elle soit comme ...inévitable.

L'accueil d'une parole en souffrance c'est de l'amour.
Celui qui prend sa source dans chaque pas franchis pour accueillir la sienne propre.

J'ai l'air d' affirmer comme ça, des vérités, ne vous y méprenez pas.
Je cherche...
Vous avez touché un point important et formidablement intéressant, merci à vous.

Bonjour :-)

... En repensant à ce qui pourrait évoquer une violence ressentie par un "sentiment de différence", il me revient en mémoire les protestations de ma fille lorsque vers 6, 7 ans, elle manifestait très fort son refus du moindre signe de singularité, mis sans merci à l'index dans sa cour d'école... La crainte d'être rejeté "hors du groupe" y est déjà très présente, dans ces cours.

Citation :

Il n'y a finalement que dans le lien, solidaire, amoureux, amical, fraternel, humain ou transférentiel, que quelque chose se "passe"... une chaleur diffuse, sans doute quelque chose d'informel, difficilement formulable, qui serait comme un: "vis ce que tu as à vivre, vis le, traverse le, ...un chemin sans caillou ça n'existe pas[...].

Oui, essentielle, cette chaleur, que recherche chacun d'entre nous, pour peu que l'on arrive à préserver cet élan, quelles que soient les difficultés traversées, tant de l'accueillir que de la partager.

Citation :

La distance, la "mise à distance", celle d'un regard fermé, jugeant, rejetant, nous désempare, nous blesse, nous recroqueville dans une solitude immonde.

Oui, cette distance-là est glaçante, l'indifférence aussi. Ce n'est pas à celles-ci que je pensais en évoquant la distance, mais plutôt à cette distanciation nécessaire à "digérer", à symboliser des événements marquants de notre parcours à chacun. Plus en rapport avec le travail de "mise en mots", au temps, à la durée... à celle aussi que tu évoques sur l'analyse - l'analyste : ce qui permet le travail, c'est aussi sa souffrance, la sienne, celle qu'il connait, à l'avoir côtoyée, déterrée, nommée, parlée à quelqu'un, [...], [...] sa guidance s'étaye, en grande partie, sur cette "distance" qu'il a parcouru lui-même.

Citation :

J'ai l'air d' affirmer comme ça, des vérités, ne vous y méprenez pas.
Je cherche...

Il y a beaucoup d'énergie dans ces recherches-là ! C'est comme ça que le reçoit.

Merci Isabelle
Merci aussi, papillon

Merci à toutes les deux, c'est si beau et si vrai ce que vous dites.

C'est vrai que l'exemple ou le modèle peuvent être violent. J'échoue là ou l'autre a réussi. On se condamne soi-même, et parfois c'est l'autre qui nous condamne parce qu'on est moins "fort" que lui. J'ai souvent ressenti cela avec ma grand mère qui a vécu des choses terribles et qui ne comprend pas la souffrance des autres. Je crois qu'effectivement on recherche dans celui qui a souffert aussi, sinon de la compréhension, au moins de la chaleur, de la re-connaissance, et du respect.

L'analyste est différent (tiens ?) d'un ami ou d'un proche, parce qu'il a souffert, qu'il a analysé sa souffrance et qu'il ne la projette pas sur la nôtre, ne cherchant pas de solution toute faite pour nous. Il nous accompagne sur le chemin, façon de dire "ne vous inquiétez pas, je suis là", mais ne nous dit pas comment éviter les embuches, ni quelles sont-elles, parce que je crois qu'il n'en sait rien lui-même.

merci encore.

Bonne journée.

Bon jour,

Pour autant que la souffrance ait un sens, l'évocation, Papillon, de votre grand-mère qui a vécu des choses terribles et qui ne comprend pas la souffrance des autres, nous en indiquerait quelques pistes.
La souffrance peut parfois se tisser si près d'une identité qu'elle ne pourrait se conjuguer à aucune autre.
Soit: "J'ai, moi, survécu à tant d'horreurs, que je ne vois pas de quoi se plaignent ceux dont les tribulations sont moindres."

L'occultation dans les deux cas, du rapport singulier et unique que nous établissons, chacun, avec nos souffrances, quel qu'elles soient, empêcherait alors son inscription dans le lien... "humain".
Rempart sans doute nécessaire contre l'effondrement...?

Mais...s'avouer malade, manquant, en reste, en friche, désastré et se le pardonner dans le sens de se donner le droit de s'aimer... jusque là, façonne alors son rapport aux autres. La brèche est ouverte.
La circulation des "fluides" de l'un à l'autre, irriguent les terrains meurtris, asséchés.

Pour autant que la souffrance ait un sens, ce serait celui-là que je lui accorderais; enrichir nos capacités à être en lien.
Le curseur de l'échelle du courage ne s'évaluerait plus à la hauteur de la densité de la souffrance, mais à cette capacité
là.

Vaste champ d'élaboration !

Bien à vous tous.